Petit compagnon de "jeu" de sombres personnages à l'époque trouble de l'underground norvégien, TAAKE émerge de la brume pour nous faire palper ses cauchemars transpercés de cris et d'hymnes à la terre païenne de ses glorieux aînés.
Et il accomplit rien moins qu'un exploit. Celui de remettre au goût du jour, via un son très acceptable, un black authentique "Darkthronesque" en s'appropriant les effluves épiques d'EMPEROR époque "In the Nightside Eclipse". Enfin le chaînon manquant donc? A chacun d'en juger suivant sa sensibilité par rapport à un sujet hautement controversé. Il n'en reste pas moins que l'âme en peine dont le visage lugubre orne la pochette de cette pièce a fait preuve d'un élan de créativité rafraîchissante au moment d'assaillir à son tour un marché aux horizons déjà bien encombrés.
Sans jamais se départir d'une violente intensité, son black arbore ainsi à l'envi des ingrédients dont on ne peut que louer le parfait dosage. Qu'il s'agisse d'ambiances forestières (hurlements sauvages surgis de nulle part et chuintements divers), de choeurs guerriers ou de nappes de claviers aussi fantômatiques que palpitantes, toute intervention extérieure suggère une émotion particulière, d'autant qu'elles sont distillées au compte-gouttes. Il faut y voir le souci de ne pas trop en faire afin de préserver une certaine fidélité envers les racines pures et dépouillées qui ont allaité les heures de gloire du mouvement.
A l'instar d'un "Det Som En Gang Var" boosté à la créatine, "Nattestid" conquiert par sa fougue et sa détermination autant qu'il ravit par la noblesse de ses mélodies. En suspens au dessus de la meute agressive de guitares acérées, le chant concentre une haîne féroce qui se libère totalement au gré des passages les plus enragés. S'il poursuit dans cette voie, il y a fort à parier (et à espérer) que le sieur TAAKE ralliera bien des adeptes à sa cause.
Le black scandinave, atteint d'un paradoxe dual entre le succès de ses ténors (MARDUK, DARK FUNERAL, IMMORTAL) et la platitude d'une cohorte de suiveurs médiocres, aurait en tout cas beaucoup à y gagner...
B.G. 23-06-00